Litiges pactes d'actionnaires: validité de la clause d'offre alternative

Cour de cassation française, 12 février 2025 (n° 23-16.290)

Introduction

Deux associés d’une société à responsabilité limitée (SARL) française ont conclu un pacte d’associés régi par le droit français. Le premier associé détenait 60 % des parts (l’« Associé majoritaire »), tandis que l’autre détenait 40 % des parts (l’« Associé minoritaire »). Le pacte d’associés comportait une clause d’offre alternative (clause « buy or sell ») permettant, en cas de désaccord grave et persistant susceptible de paralyser la société, à l’un des associés de proposer de vendre ses propres parts à l’autre ou, à défaut d’acceptation, d’exiger de ce dernier qu’il lui cède ses parts aux mêmes conditions.

Le Litige

Après plusieurs tentatives infructueuses de rachat des parts de l’Associé majoritaire, l’Associé minoritaire a déclenché la clause buy or sell. L’Associé minoritaire a proposé de vendre ses propres parts à l’Associé majoritaire. En l’absence de réponse, ce dernier était censé lui vendre ses propres parts. L’Associé minoritaire a donc engagé une procédure judiciaire en France pour obtenir la cession.

Décisions judiciaires

Cour d'appel

L’Associé majoritaire s’est opposé à la cession, soutenant notamment que la clause ne précisait pas le prix de vente, le laissant à la discrétion d’une partie. La Cour d’appel a rejeté cette objection, considérant que la mise en œuvre de la clause était soumise à des conditions objectives : son mécanisme réciproque permettait de déterminer le prix proposé par le vendeur potentiel, lequel servait de référence pour fixer le prix auquel le bénéficiaire de l’offre devrait céder ses parts en cas de refus de l’offre initiale. La Cour a également constaté l’existence d’un désaccord sérieux entre associés et a jugé qu’il n’existait aucune obligation pour l’Associé minoritaire de fournir à l’Associé majoritaire des documents comptables pour apprécier l’offre, la clause buy or sell ne prévoyant pas une telle exigence.

Cour de cassation


Refusant d’accepter cette décision, l’Associé majoritaire a formé un pourvoi devant la Cour de cassation, invoquant trois moyens principaux : la nullité de la clause au motif que le prix ne pouvait pas être déterminé, l’absence de désaccord grave et persistant justifiant le déclenchement de la clause, et la violation de l’obligation générale de bonne foi de l’Associé minoritaire en raison du défaut de communication de documents comptables permettant d’apprécier l’offre. La chambre commerciale de la Cour de cassation a rejeté le pourvoi, notamment pour les motifs suivants.

Premièrement, s’agissant de la détermination du prix, la Cour a jugé que le mécanisme introduit par la clause d’offre alternative ne laissait pas la fixation du prix à la volonté d’une seule partie, de sorte que la vente était parfaite dès lors que les parties avaient exécuté leurs engagements prévus par le pacte d’associés. Elle a ainsi validé le raisonnement de la Cour d’appel. Le prix n’avait pas été fixé unilatéralement, le mécanisme contractuel obligeant l’initiateur de la procédure, en cas de refus de l’autre associé, à acquérir les parts de ce dernier à un prix issu de sa propre proposition initiale.

Deuxièmement, concernant les conditions de déclenchement de la clause, la Cour de cassation a confirmé l’appréciation de la Cour d’appel, qui avait considéré que la condition relative à l’existence d’« un désaccord grave et persistant entre les deux associés » était remplie en l’espèce.

Troisièmement, elle confirme que l’application de la clause d’offre alternative n’était subordonnée à aucune condition de vérification particulière, et que l’Associé majoritaire ne prétendait pas avoir demandé au gérant la production de documents spécifiques ou avoir été dans l’impossibilité d’obtenir les documents comptables requis.

A retenir

Les clauses « buy or sell » sont valables dès lors qu’elles prévoient un mécanisme objectif de détermination du prix d’achat. Un prix de vente fixe n’est pas obligatoire, à condition que la convention stipule une méthode suffisamment précise pour déterminer ce prix, conformément à l’article 1591 du Code civil. Cela empêche que le prix soit fixé ou modifié unilatéralement par la suite.

Lien vers la décision

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