Un actionnaire majoritaire a cédé ses actions à un acquéreur dans le cadre d'un protocole d'accord de cession d'actions (share purchase agreement, « SPA »), lequel prévoyait un mécanisme de complément de prix (« earn-out ») calculé en fonction des performances financières futures de la société. Le versement de ce complément était également conditionné au maintien du cédant dans des fonctions de direction jusqu’à une date déterminée.
Avant cette échéance, l’acquéreur a exercé son droit contractuel de révoquer le cédant de ses fonctions. Ce dernier a alors engagé une action en nullité du SPA, soutenant que la clause d’earn-out était nulle en ce qu’elle constituait une condition potestative.
En droit français, constitue une condition potestative la condition dont la réalisation dépend exclusivement de la volonté du débiteur. En application de l’article 1304-2 du Code civil (ancien article 1174), de telles conditions sont réputées non écrites.
La cour d’appel a rejeté l'argumentation du cédant. Elle a certes reconnu que l’acquéreur, en sa qualité d'actionnaire majoritaire, disposait de la faculté de révoquer ad nutum le cédant de ses fonctions, mais a estimé que cette prérogative ne rendait pas pour autant la condition d’earn-out nulle. Elle a motivé sa décision en retenant qu’en vertu de l’ancien article 1178 du Code civil, une condition est réputée accomplie si son inexécution procède de la mauvaise foi du débiteur. Dès lors, la clause n'était pas potestative selon la cour, puisque le cédant conservait la faculté de s’en prévaloir en cas de révocation abusive.
La Cour de cassation a partiellement cassé l’arrêt, mais uniquement en ce qu’il avait rejeté la demande d’annulation des clauses relatives à l’earn-out et à la rémunération complémentaire.
La Haute juridiction a considéré que la cour d’appel n’avait pas appliqué le bon critère juridique pour apprécier le caractère potestatif de la clause. Elle aurait dû rechercher si la condition de versement de l’earn-out dépendait effectivement du seul pouvoir discrétionnaire de l’acquéreur, du fait de sa faculté unilatérale de révocation. L’existence d’un recours en cas de mauvaise foi ne suffisait pas à neutraliser le déséquilibre fondamental résultant d’une clause dont la réalisation pouvait être rendue illusoire par une seule partie.
L’affaire a été renvoyée devant une autre cour d’appel pour être rejugée.
Pour éviter qu’une clause d’earn-out ne soit annulée pour cause de potestativité (mettant ainsi en danger la validité de l'acte de cession pour manque de prix de cession complet), les parties doivent veiller à ce que son accomplissement ne dépende pas exclusivement du pouvoir discrétionnaire de l’acquéreur.
La condition de paiement doit être fondée sur des critères objectifs — tels que des seuils de chiffre d’affaires clairement définis, des objectifs d’EBITDA, ou d'autres indicateurs mesurables. Lorsque le maintien du cédant dans ses fonctions constitue un paramètre, des mécanismes de protection doivent être prévus afin d’empêcher toute manipulation, notamment via une révocation discrétionnaire.
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